Est-il bien utile de s’assurer contre les loyers impayés?
Les retards de paiement ou les loyers impayés plongent certains bailleurs dans les difficultés. Il leur est en général conseillé de souscrire une assurance. Mais qu’en est-il du fonctionnement de ces fameuses garanties? Notre tour de la question.
Assurance ou caution?
On conseille souvent au bailleur de souscrire une assurance ad hoc – le plus souvent, l’assurance dite garantie des loyers impayés (GLI) – lorsque les loyers perçus représentent une part importante de ses ressources, ou s’ils viennent couvrir le remboursement d’un emprunt. Cela ne veut pas dire qu’il n’est pas utile de s’assurer dans les autres cas mais c’est moins vital. La caution suffit souvent à garantir le paiement des loyers, pourvu qu’elle soit elle-même solvable. Reste que l’acte de cautionnement est souvent contesté en justice, en raison de son extrême formalisme, destiné à protéger celui qui se porte caution. De plus, les cotisations d’assurance loyers impayés sont entièrement déductibles des revenus fonciers (hors régime microfoncier et micro-BIC). Un bailleur étant soumis au régime réel, soit en raison du niveau élevé de ses revenus locatifs, soit parce qu’il a opté pour ce régime, paiera plus volontiers une cotisation d’assurance qu’il peut déduire fiscalement. Rappelons enfin qu’il est interdit de cumuler l’assurance loyers impayés avec une caution, sauf si le locataire est un étudiant ou un apprenti (art. 22-1 de la loi du 6 juillet 1989).
Les assureurs souffrent d’une aversion au risque…
L’étendue et la nature des garanties loyers impayés, tout comme les conditions d’indemnisation, varient selon les contrats et les compagnies d’assurances (conditions de déclenchement des garanties et justificatifs à fournir, plafonds d’indemnisation, franchises, durée de la garantie…). La cotisation (ou prime) exigée est fixée en pourcentage du montant annuel du loyer charges comprises. Elle s’élève généralement entre 2 et 4 %. Une condition, cependant, est commune à toutes les GLI: le locataire doit montrer patte blanche. Car pour que le bailleur puisse bénéficier de la garantie, il faut qu’il présente un locataire particulièrement solvable. Les conditions générales des contrats d’assurances imposent une sélection très sévère, les assureurs n’acceptant, pour la plupart, que les salariés en contrat à durée indéterminée dont les revenus représentent au moins trois fois le montant du loyer garanti, charges et taxes comprises.
Autre exigence des assureurs: s’il est tout à fait possible de s’assurer pour une location en cours, mieux vaut que le locataire soit à jour de ses loyers et charges. Un contrat d’assurance repose sur une notion d’aléa. Or, les bailleurs s’assurent parfois en cours de bail alors que leur locataire a déjà eu des impayés, sans en informer l’assureur. Malheureusement, ce qu’ils ignorent, c’est que l’assureur remontera en arrière en cas de déclaration de sinistre et leur demandera des justificatifs pour s’assurer de l’historique des paiements. Et, quand l’assureur s’apercevra de la situation, il refusera de garantir le risque, devenu certain.
Un socle de garanties fixe, mais des couvertures variables
Dans leurs garanties de base, les assurances comprennent presque toujours la couverture des charges, taxes et loyers impayés, et celle des frais de procédure (recouvrement, honoraires d’avocat ou d’huissier, expulsion, etc.). Mais attention, la couverture n’est pas toujours illimitée. Le contrat peut fixer une durée d’indemnisation maximale, vingt-quatre mois de loyers, par exemple. Il a également la possibilité d’indiquer un plafond d’indemnisation au-delà duquel l’assureur cesse de couvrir les loyers non payés.Une bonne GLI doit prendre en charge les frais de procédure amiable ou judiciaire engagés pour recouvrer les loyers, jusqu’à l’éviction du locataire devenu occupant sans droit ni titre. Suivant les contrats, la prise en charge des impayés et des frais de contentieux est comprise dans le plafond global d’indemnisation, mais une limite de paiement leur est parfois spécifiquement appliquée.
L’indemnisation n’est pas immédiate
Attention, la prise en charge n’intervient le plus souvent qu’à partir du troisième ou quatrième mois suivant celui du premier terme impayé avec toutefois un effet rétroactif au premier jour du sinistre. Le bailleur devra ainsi patienter au moins un trimestre avant de recevoir le premier versement de l’assureur. C’est un élément important à prendre en compte pour ceux qui ont des mensualités d’emprunt à rembourser. L’indemnisation sera ensuite versée trimestriellement le plus souvent. Attention toutefois, si le bailleur a souscrit un contrat, non pas lors de l’arrivée du locataire dans les lieux, mais en cours de bail, car certains contrats appliquent alors un délai de carence de deux ou trois mois entre la date de souscription du contrat et celle de début de couverture des garanties. En cas d’impayés pendant cette période, aucune prise en charge ne sera due. Un point important à vérifier avant de signer.
Les assureurs eux-mêmes sont réticents à délivrer la garantie promise
En cas de survenance d’un impayé, il faut réagir immédiatement en prévenant l’assureur. Il réclamera tout d’abord les justificatifs attestant de la solvabilité du locataire (bulletins de salaire, pièce d’identité, contrat de location, etc.). Il sera préférable par ailleurs de respecter scrupuleusement, dans les délais impartis, la procédure telle qu’elle est prévue au contrat, sous peine de voir l’indemnisation revue à la baisse, ou pire, d’être confronté à un refus de l’assureur de faire jouer la garantie. La procédure de déclaration du sinistre est ainsi particulièrement stricte. En principe, les polices d’assurance prévoient l’envoi d’une lettre de rappel au locataire dans un délai de «x» jours suivant le premier impayé. Puis, en cas d’échec, l’envoi d’un courrier recommandé le mettant en demeure de s’acquitter de son loyer. Le contrat peut également prévoir le recours à un huissier de justice, qui adressera un commandement de payer si le locataire refuse toujours de s’acquitter de sa dette. Sur le papier, dès lors que les conditions d’indemnisation sont réunies, le bailleur doit être garanti, mais en pratique de nombreux litiges persistent.
On peut s’interroger d’ailleurs sur la conformité de ces contrats aux principes et au droit de l’assurance, qui reposent sur la notion fondamentale d’aléa. Le contrôle effectué en amont sur la solvabilité du locataire, les exigences à l’égard du bailleur sont tels que l’assureur fait trop souvent en sorte de minimiser le risque au point de le faire disparaître…
Il convient dans tous les cas de réfléchir soigneusement avant de souscrire une assurance Garantie des loyers impayés: si le bailleur a effectué soigneusement le travail de sélection du locataire – travail qui repose de toute façon sur lui -, et s’il suit à la lettre la procédure de recouvrement dès le premier impayé de loyer, préconisée par tout conseil averti, il aura accompli autant que son assureur… Et à moindres frais.